mercredi 30 janvier 2008

l'ecole du caméléon

Qu’est-ce que l’école du caméléon ?

Chez nous quand on commet une erreur, on vous explique que ce n’est pas grave. On a tout simplement trébuché, mais on n’est pas tombé. Je m’explique : ceux qui commettent une erreur et qui refusent de la reconnaître, ils tombent vraiment. Mais si on sait reconnaître ses erreurs, on saura que l’on n’est pas seul, que tous ceux qui vivent avec soi, sont exactement comme soi.
C’est là l’attitude du caméléon. Ses yeux tournent et observent partout sans tourner la tête comme nous les êtres humains. Il est intelligent et prudent, il sait regarder ce qui se passe autour de lui.
En étant attentifs, on respecte tous ceux qui nous entourent, surtout les vieilles personnes, sans eux je n’aurais jamais les mots qu’il faut pour conter, ou tout simplement communiquer avec les autres.

C’est l’esprit de l’école du caméléon que vous essayez de faire partager à travers vos contes ?

Je dirais que les contes sont davantage dans l’esprit du caméléon que moi-même. Je ne fais que transmettre.
Je raconte des contes que peut-être je ne connais pas et que les personnes à qui je raconte connaissent bien. Mais ça peut aussi être un conte que je connais et que la personne qui m’écoute ne connaît pas. Et enfin, ça peut être un conte que je connais pas et que la personne qui écoute ne connaît pas non plus.

Par quel chemin faut-il passer pour pouvoir raconter aux autres les histoires que l’on connaît ou que l’on ne connaît pas ?

Toumani Kouyaté :
Cette question m’étonne. Raconter , c’est parler. Si on sait parler, on sait forcément raconter. Quand je suis arrivé en France et que j’ai su qu’il y avait des écoles de théâtre, j’étais surpris. Tous les jours dans la vie, on joue comme des comédiens, nous sommes tous comédiens depuis la naissance. Apprendre à raconter, cela n’a aucun sens. C’est une question de courage, de volonté. Il faut apprendre à partager avec les autres, ce qui n’est pas facile. Il faut pouvoir s’accepter pour ensuite accepter les autres. Mais à partir du moment où on vit dans un monde de solitude où l’on ne tient plus compte des autres, la tâche devient difficile.

Mais dans les traditions du pays où vous avez grandi, tout le monde ne peut pas raconter, il y a un enseignement à recevoir ?

Toumani Kouyaté :
C’est vrai que j’appartiens à une famille de griots. Le griot en bamana, c’est « djeli » qui veut dire le sang. On naît avec un savoir psychique que l’on ne maîtrise pas et qu’on va maîtriser à travers une fonction ou une profession. Dans les familles de griots, il y a différentes professions liées à la Musique ou à la Parole.
L
a place d’un griot équivaut à la place d’un roi. Je dirais même qu’un roi sans griot est sans valeur, car c’est le griot qui conservera sa mémoire et ses secrets. Il est son conseiller et son psychologue.

Il y a plusieurs castes de griots, et moi j’appartiens à la famille des Kouyaté. Chez nous, c’est la Parole qui est fondamentale. On nous apprend à savoir quand parler, où parler, quoi dire, à qui dire quoi.


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