mercredi 30 janvier 2008

EXTRAITS DU DOSSIER DE PRESSE

« La parole est un lac profond » - La Montagne 2003 – Dragan Perovic

« Grand, mince, passionné et passionnant. Il porte dans ses yeux l’immensité de la terre africaine. A 38 ans seulement, il est déjà un véritable sage, avec l’air de quelqu’un qui est revenu de tout et qui a tout compris.

Plein d’humour, ce personnage fascinant maîtrise parfaitement l’art de dire, d’exprimer même la part la plus profonde d’un homme avec des paroles simples, touchantes et néanmoins pertinentes.

Pourtant c’est avec modestie qu’il confie : « Etre conteur est l’un des métiers les plus difficiles, car dans tous les autres tu peux réparer ou faire disparaître tes sottises. Mais tu ne pourras jamais réparer les conséquences des mots qui sont sortis de ta bouche. » »

« Des contes pour donner l’envie des mots » - Le Républicain 2003 – I Bost

«On ne sait plus trop où est la réalité, où est le conte, mais nous voilà parti! « Le griot, c’est le conseiller du roi, la mémoire du peuple », ajoute Toumani Kouyaté. « Autrefois, il n’y avait pas de livre alors le griot remplaçait la bibliothèque! Son rôle : parler, chanter, jouer de la musique, danser, c’est à dire porter la connaissance traditionnelle »… En Afrique, les griots jouent un rôle essentiel dans la cohésion sociale : « récits merveilleux pour les enfants, ils sont parsemés de leçons utiles, à caractère éducatif ou moral », ajoute Toumani. Difficile de quitter le conteur : « Tu écoutes, et tu es loin… moi j’étais en Afrique! », commente une animatrice »

Propos recueillis par Albertine Itela - le 15/07/2003

« Je dis souvent que la parole est comme un caillou que l’on avale. Elle est difficile à avaler, mais une fois passée, on ne sent plus rien. » La parole, c’est le seul et unique bagage que Toumani Kouyaté transporte avec lui au cours de ses voyage entre la France et le Burkina Faso, entre la réalité quotidienne et l’imaginaire des contes.

Vos histoires sont enracinées dans la tradition de votre pays natal, lieu de votre inspiration. Pourquoi avez-vous alors choisi de vivre en France ?

Toumani Kouyaté :
J’ai toujours eu du mal à répondre à cette question. Avant de m’installer durablement en France, je l’ai survolée et contournée plusieurs fois, et je me disais : « Ce pays là, je n’y vivrai jamais ».
C’est dans mon pays que je trouvais mon inspiration, parce qu’ici ils ont la montre, mais chez moi, j’avais le temps. Quand mes amis français venaient chez moi, je leur donnais tout le temps nécessaire pour que l’on puisse travailler. Hélas, quand ils revenaient ici, ils m’oubliaient, ils regardaient leur montre et se rendaient compte qu’ils n’avaient plus de temps pour moi. J’étais déçu et ça ne m’a pas donné envie de venir dans un pays où la montre était plus importante que le temps. Chez moi, tu laisses ta montre à l’aéroport et tu te laisses guider par le temps, mais pas ici. C’est pourquoi j’ai longtemps contourné la France

Cependant, un jour j’ai fini par m’y arrêter. Mais je ne voulais pas venir à Paris ; je ne voulais pas vivre dans une ville où tout le monde court sans savoir pourquoi. Alors j’ai atterri là où on m’avait assuré qu’il y aurait des Africains, à Marseille. C’était en 1986. Je ne suis pas resté longtemps, je suis reparti dans mon pays, pour revenir quelques années plus tard à Toulouse. J’ai aimé cette ville, mais je suis quand même rentré chez moi, jusqu’au jour où j’ai été invité à travaillé en France. On avait besoin de quelqu’un dès la rentrée scolaire. On me proposait 700 000 francs CFA pour occuper de nouvelles fonctions d’enseignant. J’ai accepté, mais en échange de l’argent, ils m’on pris mon temps.

Depuis, je porte une montre. Je me réveille le matin, je prends le métro, je vais donner des cours, je termine, je reprends le métro et je rentre chez moi. C’est comme ça que depuis 1996. Je me suis planté ici et je grandis malgré le changement de climat. Malheureusement, je grandis sans donner ni feuille, ni fruit, et lorsque les fruits poussent, ils sont petits et amers.

Mais ma sève, qui est la parole, elle reste bonne. C’est la seule chose que l’arbre que je suis continue de donner. Aussi, même si je n’ai pas de fruit, j’ai des branches très longues qui peuvent donner de l’ombre.

Et il y a quelques personnes qui viennent se reposer et trouver un peu d’ombre sous vos branches…

Toumani Kouyaté :
Oui, je laisse pousser mes branches le plus loin possible pour continuer d’aller vers les autres, être plus près des gens.

Comment avez-vous fait pour que votre arbre continue à voir ses branches pousser alors qu’il a été déraciné ?

Toumani Kouyaté :
Le mot « déraciner » est un gros mot français. Les écrivains l’utilisent souvent sans le définir. On ne peut pas déraciner un arbre, si on le fait, c’est qu’on le tue. En ce qui me concerne, je ne suis pas déraciné, mes racines ont bien poussé d’Afrique à ici, elles s’abreuvent dans les sources d’Afrique et d’ici.

Un conteur ne peut pas être déraciné. J’explique cela à travers une comparaison entre l’écriture et l’oralité. L’écriture a eu raison de l’oralité parce qu’elle se conserve. L’oralité aussi peut se conserver, seulement elle n’est transmise qu’à moitié. Il y a une autre moitié que l’on peut ne jamais retrouver. Ce n’est pas grave, parce que la moitié que l’on aura trouvé servira de clé pour retrouver le reste. Alors qu’avec l’écriture, si un écrivain transforme ou déforme une histoire, c’est toute une Nation qui est déroutée. Comme les gens croient plus aux livres qu’à la parole, quand le livre ment, tout un peuple est dans le mensonge.
Nous les conteurs, nous faisons de l’oralité un livre vivant. Les gestes, les mouvements m’aident à trouver les mots que je ne trouverai jamais à l’écrit.

Où trouvez-vous les mots pour conter ?

Les mots des conteurs viennent des ancêtres. Tout enfant qui a reçu une éducation traditionnelle, c’est-à-dire une éducation qui passe par la connaissance de la nature et de l’être humain, sait conter. Il est allé à « l’école du caméléon », ce qui lui permet de trouver les mots qui ne sont pas écrits.

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